[spas ɛ̃vade] (angl. ET.)
À chaque époque ses peurs épiques, celle du suranné s’étant astreinte à une préparation sans faille pour lutter contre la très probable invasion fomentée par les extraterrestres aux environ prévisibles du début des années 2000.
Une vraisemblable faille dans le continuum espace-temps repoussa bien entendu l’échéance, force est de le constater, mais vous ne perdez rien pour attendre pauvres petits Terriens. Ceci est cependant une autre histoire, revenons en 1978.
Dans un souci louable d’entraîner le plus grand nombre d’humains à la résistance face aux forces qui viendraient bientôt de Mars, Tomohiro Nishikado inventa et mis à disposition, moyennant un Franc ou cent Yens¹, des citoyens engagés du monde entier un programme ardu de formation baptisé du nom de code de Space Invaders. Développé pour un usage interactif via écran et manette de contrôle (dite joystick), Space Invaders confrontait le combattant Terrien à l’envahisseur de l’espace débarquant en formation rangée bien décidé à soumettre la planète à son règne. Bien conscients de leur rôle déterminant dans ce combat sans merci à venir, des millions de jeunes recrues dépensèrent sans compter leur temps et leur argent de poche dans Space Invaders, détruisant pixel après pixel les féroces soldats que leurs oreilles affutées entendaient mugir dans nos campagnes, ou plus précisément dans les salles d’arcade.
La légende raconte que le jeune Eric Furrer, douze ans, ressortissant Canadien vivant à Toronto, trône parmi les héros avec le score de 1 114 020² qu’il aurait atteint en 38 heures et 30 minutes. Ce qui en fait le chef du mouvement planétaire contre les Space Invaders.
Après des années de parties dans des salles enfumées ou d’auto-formation assidue pouvant durer une nuit complète sur la console Atari de la maison, les troupes devenues matures attendaient de pied ferme les forces de l’espace, leurs mouvements saccadés et leur musique lancinante. Mais les fourbes refusèrent le combat, préférant se consacrer au commerce de jeux vidéos finalement plus intéressant que la simple éradication de l’espèce humaine.
Vénaux, les Space Invaders exploitèrent le filon de leur belliqueuse existence multipliant les ersatz de leur propre légende et encaissant au passage toutes les économies des petits enfants sages.
Sur son écran allumé en permanence le moderne est désormais soumis au règne du pixel. Je crois que nous avons perdu la guerre face aux Space Invaders. Mais par où sont-ils donc arrivés ?