[tablo dònër] (stim. SCOL.)
Encouragements, compliments, félicitations. Quand arrivait l’heure du bulletin on n’en menait pas large dans nos Stan Smith (je parle des vraies d’avant, de quand ce n’était pas la mode d’en porter pour se la jouer) et il était un couperet qui pouvait changer notre capacité d’accès à la télévision, aux loisirs, aux sorties avec les amis et à l’argent de poche, un jugement définitif plus puissant que celui des Dieux de l’Olympe : le tableau d’honneur.
Le tableau d’honneur charrie en deux mots l’essence de sa force surannée : ce tableau noir sur lequel crisse la craie et qui porte aux nues ou voue aux gémonies selon que votre nom y est inscrit au centre en cursives bien léchées ou bien en bas à droite dans la liste des punis, et l’honneur vieille valeur désuète qui se gagne au collectif, que ce soit sur le champ de bataille ou simplement au quotidien en étant juste humain. Il était donc mal barré pour bien vivre en modernité.
Le tableau d’honneur dont je vous parle ici sent la IIIe République, l’école gratuite, obligatoire et laïque, en bref le Jules Ferry; les hussards noirs, la plume Sergent Major et le cancre au fond de classe. C’est une école un peu sévère qui nous apprend l’imparfait d’un subjonctif que nous n’utiliserons guère, des poèmes sur la rose qui ce matin avait déclose (j’ai ramé sur ce déclose) que l’on n’osera pas réciter à cette jolie blonde par peur du ridicule, des tables de multiplication pour convertir plus tard des Francs en Euros et se dire que le litre d’essence à 10 Francs je ne pensais pas que ça pourrait arriver.
Je sais, je sais que le tableau d’honneur n’a pas totalement disparu. Je sais qu’encouragements, compliments et félicitations viennent encore fleurir les bulletins de note des élèves d’aujourd’hui. J’avais juste envie d’être un vieux con suranné qui se souvient qu’il a parfois dû s’évader par la fenêtre pour aller jouer avec les copains ou remplir de sadiques cahiers de vacances avant de filer se baigner, tout ça parce que je n’avais pas eu ce maudit tableau d’honneur.
Et pourtant je le méritais. Tiens, je me souviens encore de Ronsard :
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil
A point perdu cette vesprée
Les plis de sa robe pourprée
Et son teint au vôtre pareil