[tajé yn bazan] (loc. salut. VOY.)
Qui a vu du pays sait que les conventions du salut diffèrent selon les latitudes.
Entre l’inclinaison du buste et le bisou esquimau, entre le viril serrage de louche et les deux, trois, quatre bises effleurantes ou sonnantes et mouillées il y a de sensibles différences qu’il faut appréhender pour éviter le quiproquo.
Il était en sus autrefois nécessaire de connaître l’expression tailler une basane pour ne pas voir autre chose qu’un salut déférent dans le geste que réalisaient deux apaches de Pantruche se croisant.
« Tiens ! Voilà pour ta sœur »
En effet, le tatillon prenait vite pour impoli – voire inverti – ce comportement consistant à se taper de la main droite sur la cuisse puis à prendre appui du pouce sur Popaul tout en agitant les autres doigts de la main l’auriculaire en l’air soulignant d’un tonitruant « Tiens ! Voilà pour ta sœur » cette cérémonie rapide.
C’est que les braves gens qui ôtent leur chapeau et se serrent la main en prenant soin d’enlever leur gant n’aiment pas qu’on dise bonjour d’une autre manière qu’eux.
Tailler la basane est cette marque de respect du vaurien de bitume qui n’aime rien tant que choquer les bonnes âmes, notamment en attirant leur attention sous le niveau de la ceinture puisqu’il semble que pour elles s’y situent les portes de l’enfer. Alors, malin qu’il est, le pendard taille la basane aussi souvent qu’il peut, jouant l’affable et l’obséquieux en se touchant l’asperge.
Ce viril salut qui tourne autour du membre s’installera dans les us et coutumes des faubourgs tant qu’y règneront les fripouilles et les gouapes, soit un temps suffisant pour que tailler une basane soit une locution connue de tous.
Avant d’être celui des gredins, il est probable que ce fut le bonjour, bien peu réglementaire, des cavaliers de Saint-Cyr et d’autres corps d’armée au pantalon basané (c’est-à-dire comprenant une partie en peau souple). Bien entendu les autorités militaires le nieront farouchement, refusant que l’on pense que dans la troupe on se touche le Colosse en guise de marque de respect.
C‘est d’ailleurs ce déni et les évidentes instructions de se saluer en portant la paume au képi et non au kiki qui contribueront à faire de tailler une basane une expression surannée, la mise au pas des hors-la-loi tripoteurs du bas ventre terminant de purger le pavé (cf. fig. B.).En modernité quiconque tenterait de tailler une basane se verrait conspué : c’est le check qui règne désormais sur les salutations distinguées¹.
Et l’on imagine mal un quelconque événement remettre au goût du jour la touche désuète de la main au paquet.
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