[tatauin] (n. pr. GÉO)
Bien avant Star Wars, ses Jedi, ses « Je suis ton père, Luke », ses « La force contrôler tu dois », ses bestioles poilues vivant sur des planètes improbables sises dans des galaxies tout aussi lointaines que fantaisistes¹, en ces temps reculés donc, existait un lieu exotique et fantastique où il était donné que mon père se rendait régulièrement : Tataouine.
Son côté Bat’ d’Af’ reprenait de toute évidence le dessus quand il devait faire face à une exigence descriptive trop importante de ses activités professionnelles qui le menaient par monts et par vaux et dont il n’entendait pas rendre compte à un môme, fut-il son fils. Et de me répondre « à Tataouine » à chaque fois que je me risquais à demander où il partait cette fois. Des temps reculés vous dis-je, des temps surannés, l’enfant n’était alors pas roi.
C’est ainsi que se construisit en mon propice imaginaire une ville mystérieuse ne figurant sur aucune carte Michelin (on est bien avant Google maps et je n’avais que ça sous la main) et regorgeant, de fait, d’intérêt exploratoire. Une ville que je voulais à mon tour conquérir, dont j’entendais bien découvrir les trésors puisqu’il était bien compris qu’elle accueillait pirates et flibustiers, trafiquants et brigands. Un jour j’en étais sûr, moi aussi j’irais à Tataouine, tel était mon destin (vous remarquerez ici la référence subtile au propos introductif de cette définition).
Je vaquai ainsi pendant quelques années à mes diverses occupations (construction de cabanes, apprentissage du métro, capture de serpents, navigation dans les bassins du Luco, parties de sonnettes, etc.) croisant et recroisant la divine Tataouine dans des propos paternels toujours cabalistiques, mais l’imagination chargée de mes rêves d’émeraudes, de miel, d’étoffes précieuses et, les premiers émois aidant, de femmes lascives. Et toujours, inlassablement, cette réponse « à Tataouine » à la question « où tu vas Papa ? ». Et doucement, comme j’écoutai de moins en moins mon père (ben oui quoi, j’avais mué), Tataouine s’éloigna dans le désert².
Est-ce pour la laisser en cette terre surannée que je n’ai jamais vu Tataouine ? Pour ne pas briser une imagerie d’enfance peut-être, après avoir dû renoncer successivement au Père Noël (c’est les parents), à Zorro (c’est Don Diego), à la Petite Souris (c’est ma mère), à Casimir (il y a un type dedans), à Clarence (il est dressé)… Tataouine restera là-bas et je n’irai qu’en rêves.
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