[tèrɡal] (marq. dép. TEXT.)
Rarissimes sont les textiles pouvant se prétendre surannés. À bien y réfléchir il est même probable que celui dont nous allons décortiquer la fibre soit un cas unique.
De la famille des polyesters, obtenue par condensation de l’acide téréphtalique et du glycol (les enfants, n’essayez pas à la maison), cette étoffe d’aspect soyeux, résistante et infroissable que nous étudions en ces lignes a fait de son nom composé de téréphtalique et gallicus un symbole de ces temps où l’élégance dut se teinter des prouesses techniques d’ingénieurs à la créativité exacerbée.
En 1954, Rhodiacéta, société industrielle issue de la fusion du Comptoir des soies artificielles et des usines du Rhône, invente le Tergal, fibre polyester qui va permettre la création des textiles synthétiques et donc le tissage de vêtements au rendu tactile si particulier. Le toucher : c’est bien là tout ce qui fait la valeur surannée du Tergal.
Hors d’ici soie doucereuse dans laquelle pètent les parvenus, haro sur le cachemire et son poil long et soyeux de chèvre de Mongolie, non au lin des Pharaons et autres puissants régnants ! Rien ne vaut l’émoustillante caresse du Tergal qui glisse sur la peau…
Parmi les chefs d’œuvre du Tergal on compte évidemment le sous-pull col roulé, vous l’attendiez, teinté de préférence de couleurs vives (existe aussi en version blanc immaculé).
Le sous-pull en Tergal marqua de son sceau tel un fer rouge infamant, une génération entière d’enfants habillés par leur maman.
J’en fus.
Ce tissu qui cache un scandale bien supérieur à celui de l’amiante ou du cheval dans les lasagnes demeure à ce jour largement tu par des médias complices de l’industrie chimique. Combien de photographies cheveux hérissés par l’électricité statique d’une étoffe de Tergal ? Combien de cous menus et fragiles irrités à jamais par l’idée de cette cheminée de textile enserrante ?
Et que dire des propriétés élastiques et moulantes du Tergal lorsqu’il se déclinait en pantalon pour homme ? Ne laissant aucune place à l’imagination il transforma en attentat à la pudeur toute tentative d’imitation de John Travolta roi du disco de Saturday Night Fever.
En octobre 2009, un tribunal de commerce mit fin à la récréation (et à nombre d’emplois), prononçant la liquidation de Tergal Industries. Il n’y a désormais plus de producteur de fibre polyester en France. Le Tergal qui en a pris un coup depuis l’envolée des prix du pétrole est devenu suranné. Seuls quelques vieux Polaroid témoignent encore de son passage dans nos vies.
Quand je les regarde je me trouve l’air d’un clown.
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