[avwar la tèt kòm ê kôtër de ɡaz] (loc. verb. GDF)
Lorsque Philippe Lebon découvre les propriétés du gaz de distillation du bois en 1786, il est encore loin d’imaginer que sa future invention de thermolampe (brevetée en 1799) va révolutionner l’éclairage urbain, et par conséquent l’univers des villes avec la présence d’usines à gaz, et par sub-conséquent contribuer à créer une efficace expression sur la céphalée.
Non, le brave Lebon installe tranquillement son système dans l’hôtel de Segnelay¹ (actuel ministère de la fonction publique mais n’y voyez aucun lien avec les usines à gaz susmentionnées) en octobre 1801 sans que l’histoire ne soit capable de nous préciser s’il y fixe le premier compteur à gaz.
Quoi qu’il en soit, tous les experts en surannéité s’accordent pour affirmer que c’est au XIXᵉ siècle que naît avoir la tête comme un compteur à gaz, forme allégorique de la migraine post-beuverie ou du diplomatique mal de tête pré-coïtal. Il paraît en effet impossible qu’avoir la tête comme un compteur à gaz préexiste au gaz ou au compteur lui-même…
Avoir la tête comme un compteur à gaz se répand d’autant plus facilement qu’avec le progrès, tous les appartements ont bientôt le gaz à tous les étages. Vers 1840 les compteurs sont posés et font les beaux jours des quelque mille usines à gaz qui éclaireront treize millions de Français en 1888.
Se taillant la part du lion, la Compagnie Parisienne d’Éclairage et de Chauffage par le Gaz exploite un réseau de plus de 550 kilomètres de tuyaux de plomb à travers la capitale : pour elle tout gaze. Jusqu’en 1925 où la plus séduisante et plus moderne fée électricité la boute hors du champ, lui concédant seulement l’éclairage de la place de la Concorde jusqu’aux années 60 tout de même.
Le très cubique et pur produit technique qu’est le compteur à gaz ne tourne plus que pour le chauffage et la cuisine, mais c’est toujours suffisant pour que s’exprime avoir la tête comme un compteur à gaz à chaque lendemain de goguette.
La brutale modernité architecturale chassera le gaz de tous les étages ne laissant comme compteur dans les appartements post-haussmanniens que celui de l’électricité. Avoir la tête comme un compteur à gaz s’essoufflera et rejoindra au suranné son corollaire signalétique plaqué au devant des immeubles.
Non pas ce soir j’ai mal à la tête, nettement moins imagée, deviendra l’expression d’usage pour les amoureux ne l’étant plus vraiment et seuls quelques vieux cons surannés revenant d’une tournée des grands-ducs auront encore de temps à autres la tête comme un compteur à gaz.