Aller se faire téter les yeux par les éléphants siffleurs [alèr se fèr tété lé jö par léz‿ éléfâ siflër]

Fig. A. Abul-Abbâs, éléphant siffleur de Charlemagne.

[alèr se fèr tété lé jö par léz‿ éléfâ siflër] (loc. pachyder. VALS.)

R abrouer est un art.

Et l’on pouvait compter dans les temps surannés un certain nombre de formules pas piquées des hannetons portant aux côtés de l’architecture, de la sculpture, de la peinture, de la musique, de la littérature et du théâtre, l’art d ‘éconoduire le fâcheux comme le seul et véritable septième.

Si  aller se faire voir chez les Grecs a semble-t-il perduré jusqu’en modernité récente, aller se faire téter les yeux par les éléphants siffleurs a gentiment décliné lorsque des études zoologiques poussées ont réussi à démontrer que les bons gros mammifères proboscidiens n ‘n’avaient aucune facilité naturelle à la succion oculaire ou au gaiotement d’un tube de Joe Dassin¹.

Apparue vraisemblablement autour de l’an 800 suite au grand succès populaire du père Abbâs, alias Abul-Abbâs, éléphant blanc offert en cadeau diplomatique à Charlemagne par le calife Hâroun ar-Rachîd, aller se faire téter les yeux par les éléphants siffleurs a rapidement pris une place privilégiée dans la langue utilisée pour envoyer valser.

Que souhaiter de plus gênant au général que cette évidente sensation malcommode de se faire aspirer le globe tout en écoutant une reprise ratée du 45T numéro 1 au Top 50 ? Même aller se faire empapaouter semble préférable à la grossière promesse d’une aspiration sur fond de Comme un Ouragan² siffloté par Babar.

❝ Comme un ouragan qui est passé sur moi, l’amour a tout emporté, slurp slurp, dévasté nos vies, des lames en furie qu’on ne peut plus arrêter, slurp slurp ❞

Ainsi, lorsque laisser pisser les mérinos devenait impossible, le lassé enjoignait-il documentement au pénible d’ aller se faire téter les yeux par les éléphants siffleurs  avec le succès que l’on imagine.

Dans une étrange lutte voulue par les noirs admirateurs des blattes et cancrelats – ceux-ci s’opposant pour d’obscures raisons aux adorateurs de pachydermes –  aller se faire têter les yeux par les cafards qui louchent fit un passage remarqué mais disparut bien avant la formule maîtresse.

S ignée en mars 1973 la bienvenue Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (dite Convention de Washington) interdisant le commerce d’ivoire, aura comme conséquence collatérale une très diminution nette de l’usage de l’expression, jusqu’à sa quasi extinction. 

Malheureusement remplacé dans la bouche du moderne par une incitation à aller copuler en famille ou à déguster les osssements de ses ancêtres (pratique tabou s’il en est, mais ceci est une autre histoire), le renvoi dans ses vingt-deux du moindre importun perdra dès lors de ses lettres de noblesse au détriment d’une vulgarité prononcée.

Aller se faire téter les yeux par les éléphants siffleurs  rejoignent ainsi au cimetière des expressions surannées (et des éléphants) tant d’autres qui avaient fait leur temps et y goûtaient déjà un repos mérité.

¹Là-haut sur la colline par exemple.
²Stéphanie de Monaco, 1986.

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