Tirer le diable par la queue [tiʁe lø djabl paʁ la kø]

tirer le diable par la queue

Fig. A. Votre argent m’intéresse. Jérôme Bosch. 1973.

[tiʁe lø djabl paʁ la kø] (PAUV. BNP.)

Que les adorateurs du Lucifer, de Satan, de Belzébuth se rassurent : leur champion ne souffre pas lorsque le moindre indigent use de l’expression tirer le diable par la queue.

Son énoncé convoque des images infernales de supplices, de pauvres hères, de gloires déchues et de créanciers ricanants; un véritable tableau de Jérôme Bosch.

Le diable en question, figure de malice et de damnation, est cette bête fuyante comme un banquier, vicieuse comme un fesse-mathieu, qui file comme le vent dès qu’on l’implore de faire crédit juste quelques jours de plus. Et voilà le purotin, le loqueteux, accroché à la queue du démon comme si elle était celle du Mickey du manège qu’on espère attraper histoire de s’accorder un tour de plus et un peu de répit.

Tirer le diable par la queue, c’est donc survivre, jongler avec trois francs six sous, avoir des fins de mois difficiles, compter les œufs dans le trou du cul de la poule, faire d’un quignon de pain un festin. C’est vivre à crédit pour ne pas mourir à crédit, et, à défaut des cordons de la bourse, tirer toutes les ficelles qui passent, fut-ce le dard du Malin.

L’expression apparaît au XVIIᵉ siècle, époque où l’on sait reconnaître un pauvre au bruit de ses sabots, et où les queues de diable se glissent dans la littérature pour désigner tout ce qui est précaire et disetteux. Dans ce grand sabbat qu’est la vie des besogneux, tirer le diable par la queue revient à lui courir après sans jamais espérer l’attraper vraiment. D’ailleurs aurait-il un kopek à offrir ?

De la mansarde au bouge, des faubourgs aux terres ingrates, on s’épuise, on râle, mais on tient bon. Et on fait comme on peut en espérant qu’un ange viré du paradis par le Mec des mecs aura gardé une part d’humanité et nous fera l’aumône de quelques picaillons.

Tirer le diable par la queue, désormais, ne vaut même plus une expression… seulement un plan d’échelonnement de la dette. La mistoufle c’est aussi du business. « Votre argent m’intéresse » (même si vous n’en avez pas) disait ce satané coquin.

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