[tòrtijé de lâɡlys] (loc. verb. VAE VIC.)
Poulardes, faisans, cygnes, paons, alouettes et autre voletailles se dégustaient cuites à la broche accompagnées de sauces riches à souhait, dans ces temps ancestraux où le repas devait faire gonfler une panse qui se viderait peut-être de ses tripes quelques heures plus tard sur quelque champ de bataille, éventrée par une épée ennemie, c’est ainsi (et c’est aussi une autre histoire).
Depuis la traîtrise palmipèdique du Capitole, les descendants des fiers Gaulois trouvaient même un plaisir supérieur à tortiller de l’angluce cacardante plutôt qu’à becqueter un poulet retour de croisades ou une frigousse bourguignotte aux cinq viandes.
Certes, il fallut attendre quelques siècles pour que cette sourde vengeance servie chaude, pour une fois, prenne cette appellation de tortiller de l’angluce. De -390 au XIXᵉ siècle on lui substitua le sans saveur manger de l’oie, mais bien heureusement le langage des coquins et marauds rappliqua avec son piment, donnant à l’échec de Brennus devant la colline romaine une autre dimension.
Du ridicule d’avoir été défait par des volailles veilleuses, on passait grâce à tortiller de l’angluce, à un récit plus épique terminant avec la reddition romaine et le sentencieux vae victis lancé à Quintus Sulpicius Longus. Tortiller de l’angluce avait de cette prestance martiale que à-table-qu’est-ce-qu’on-mange-de-l’oie-oh-encore-mais-on-en-a-déjà-mangé-hier ne possédait pas. Bien que d’origine brigande, l’expression fut adoubée.
Pendant des années, afin d’honorer cette victoire sur l’empire romain, on tortilla de l’angluce en foie gras, rôtie avec des choux rouges, accompagnée de cèpes, les descendants des volatiles trop bruyantes payant le prix de leur barouf.
Ce n’est pas la résonance cadencée du pas ridicule d’une armée ennemie qui arrangea le sort des anatidés. Tortiller de l’angluce et particulièrement son foie gras devint même du plus chic et du plus onéreux.
L’arrivée du canard en concurrent direct côté cirrhose à déguster, causa la disparition de tortiller de l’angluce. Ce ne sont pas les descendantes des oies du Capitole qui s’en plaindront.