[tut lé fam de blwa sô rus é akarjatr] (loc. hum. ORAN.)
C‘est bien connu (au temps du suranné s’entend), toutes les femmes de Blois sont rousses et acariâtres. Ce qui pose un problème d’ampleur. Car la préfecture de Loir-et-Cher compte tout de même quarante cinq mille âmes et si plus de vingt deux mille et quelques d’entre elles (les femmes) sont rousses et acariâtres, les vingt deux mille et quelques restantes ne peuvent vivre avec des grincheuses.
Selon la légende, on doit cette bien pénible appréciation sur la rousseur des femmes et leur sale caractère à un voyageur Anglais, ou Allemand, ou Autrichien, passant par le chef-lieu et notant sur son carnet de voyage que toutes les femmes de Blois sont rousses et acariâtres, alors qu’il n’avait croisé au cours de son séjour que sa logeuse (vraisemblablement rousse et acariâtre).
La postérité ne retenant ni le nom du bonhomme¹, ni le titre de son écrit, on pourra douter de l’origine de l’expression qui se veut être une forme ironique pour démontrer qu’il ne faut pas faire une généralité d’un cas particulier.
Peu nous importe que le VRP en goguette signalé par Voltaire dès 1750 ait existé ou non, peu nous chaut qu’il croisât une marâtre à la chevelure enflammée : ce qui est sûr c’est que toutes les Blésoises ne sont pas rousses.
Et pas acariâtres non plus, bien entendu.
Et pousserait-on un peu plus la balade jusqu’à Tours, Angers, Limoges ou Châteauroux la bien-nommée, qu’on n’y trouverait pas plus de coiffures cuivrées, bordeaux ou orange vif que n’importe où ailleurs.
Et pas plus de grincheuses, cela va sans dire.
Les chercheurs sont formels : le gène récepteur de la mélanocortine de type 1 situé sur le chromosome 16 qui détermine la couleur des cheveux ne présente pas de particularité chez les habitantes de Blois.
Toutes les femmes de Blois sont rousses et acariâtres ne repose donc sur aucune étude scientifique². L’affirmation n’est que supputation, qu’en-dira-ton et calomnie. Bien heureusement elle ne s’utilisera pendant deux siècles que pour railler les glossateurs regardant les choses par le petit bout de la lorgnette.
L’expression deviendra surannée en 1949, alors que Simone de Beauvoir publie Le deuxième sexe, essai existentialiste balayant de son célèbre « On ne naît pas femme, on le devient » l’essentialisme de toutes les femmes de Blois sont rousses et acariâtres.
D’où qu’elles soient, les brunes, les blondes, les pénibles et les sympathiques sont désormais logées à la même enseigne. Et les voyageurs Anglais et phallocrates ont disparu.