[travajé kòm lé fam de tulô] (exp. loc. OISI.)
S‘il est quelque chose que l’époque surannée abhorre c’est bien la demi mesure dans l’effort. Le cossard est chambré, le ramier chariboté.
Et dans l’esprit de la France d’alors, c’est en son Sud qu’exercent les travailleurs les moins portés sur le labeur.
Selon l’expression qui consacre l’inaction, c’est à Toulon que l’on se la coule douce et particulièrement la gent féminine. Travailler comme les femmes de Toulon se veut en effet synonyme d’un certain détachement, voire d’une véritable décontraction face à la tâche.
C’est aux voisins Marseillais que les femmes de Toulon doivent cette réputation d’indolence dans la besogne. Sans doute désireux de faire porter l’opprobre par d’autres, ont-ils imaginé une comptine à la rime riche : « il travaille comme les femmes de Toulon, il fait le mitan et laisse les cantons ». En substance, il n’est pas très tatillon sur la finition et se dit qu’en marchant vite ça ne se verra pas.
La chanson facile à retenir bâtira donc la piètre considération des travailleuses et travailleurs Toulonnais, et contrariera même quelques projets industriels dans la région. Et la ville ne pourra pas compter sur son bagne et le travail en Grande ou Petite Fatigue pour corriger le tir tant les condamnés mettront peu d’entrain à casser proprement des cailloux (ou toute autre activité forcée).
Dépassant les frontières provençales, l’expression tancera bientôt le lambin jusqu’aux tréfonds du Nord trimeur ou l’engourdi se cachant plus à l’Est parmi les durs au mal.
Ne ménageant paradoxalement pas sa peine, lui, le grand banditisme achèvera de faire de la ville un petit Chicago où stupre et oisiveté règneront en maîtres de cérémonie, mais ceci est une autre histoire.
Travailler comme les femmes de Toulon sombrera dans l’oubli, corrigée qu’elle sera par un effort non négligeable de ces procédures qualité diverses dont raffole la modernité et une obligation conjointe pour la donzelle désœuvrée de la rade de rentrer dans le rang productif.
Désormais la frangine trime à l’instar de son Jules. Qu’elle soit de Toulon ou de Romorantin. Et ça c’est bien.
1 comment for “Travailler comme les femmes de Toulon [travajé kòm lé fam de tulô]”