[trwa frâ sis su] (unit. mon. POGN.)
L’euro, monnaie moderne et bien pratique (n’est-ce pas là l’objectif de toute modernité d’ailleurs, la praticité ?) nous a envoyé paître en surannéité une unité de mesure de plus et avec elle l’expression du bien peu.
Le 1er janvier 2002 le franc français a cessé d’être une unité de compte monétaire.
642 ans après le premier frappé à Compiègne pour régler l’ardoise auprès des Anglais qui avaient capturé notre bon roi Jean II, le franc disparaissait.
Et de facto chaque utilisation de trois francs six sous devenait surannée.
Mon arrière-grand-mère avait connu les sous, les anciens francs, les francs et savait donc que 1 franc (ancien) faisait 20 sous, là où 100 francs (toujours anciens) feraient un jour 1 franc (nouveau). C’est bon ? Tu suis ? Pour bien cadrer les choses, même si pour 100 briques t’as plus rien de nos jours, il fut un temps où avec 20 sous tu t’achetais un caramel. Avec 1 franc aussi, c’était pareil. Donc un sou qui pesait un vingtième de franc ça faisait l’équivalent de 5 centimes (jusqu’en 1940). Le plus proche de cette somme (je parle aux générations Y et Z) c’est 1 centime d’euro.
Tout ce micmac est cependant peu nécessaire car il s’agit ici de vous entretenir du fait que trois franc six sous n’a jamais fait beaucoup. Au siècle industriel qui allait tout changer, soit vers la fin du XIXᵉ, trois francs six sous c’était tout de même une journée de labeur pour l’ouvrier. Trois francs six sous gagnés en dix-douze heures dans une usine ou à la mine. Un salaire de misère qui permettait peut être de manger mais pas d’aller plus loin.
Comme toute expression surannée trois francs six sous a ses adeptes qui l’utilisent pour dire que ça ne vaut pas tripette. S’ils sont bien souvent incompris, on lit avec délectation il faut bien l’avouer la panique qui fige le regard de celui qui traduit et convertit. Passant en revue les dévaluations depuis deux siècles, échangeant mentalement au cours de l’or à Frankfort, se perdant en tentant d’invoquer le principe général de douze deniers valant un sou et de vingt sous valant une livre, le malheureux qui n’a connu que l’euro n’a pas l’heur d’y entendre grand-chose. Il ne sait dire si ces trois francs six sous valent le coup. Alors il acquiescera. Parce que grosso modo ça fait moins d’un euro.
Comme quoi même avec trois francs six sous en poche même si c’est pas bézef on peut faire son effet. Finalement ça peut compter un peu.
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