[kòm trÿi ân- épis] (expr. déprec. GRUÏÏÏ)
La grosse cochonne est peu appréciée des sachants. À tel point que les tenants du savoir bien gardé ont créé leur expression méprisante la plus forte sur la base d’un parallèle avec la femelle du porc. C’est dire !Ces bons hommes de haute connaissance se riront donc d’un benêt qui imagine avoir voix au chapitre sur quelque sujet que ce soit¹, en disant de lui qu’il s’y entend comme truie en épices.
Un preneur au pied de la lettre pourrait a priori comprendre s’y entendre comme truie en épices comme une expression laudative, le cochon étant un animal à l’odorat particulièrement fin utilisé notamment pour la quête graalique des truffes, et la reconnaissance des épices se faisant avant tout au nez. Mais s’y entendre comme truie en épices se veut éminemment dépréciante.
Serait-ce un accès de misogynie qui pousserait à faire du verrat un fin limier et de sa compagne une piètre renifleuse ? Une soudaine fièvre porcine aurait-elle atteint des spécialistes en spécialités pour les pousser à imaginer s’y entendre comme truie en épices en synonyme d’ignorant ridicule ?
Si s’y entendre comme truie en épices n’existe pas en version masculine (s’entendre comme cochons ayant une toute autre signification), notons qu’elle s’applique néanmoins aussi bien au dadais qu’à la godiche; l’incompétence n’a pas de genre préféré.
On signale de la truie en épices dans l’œuvre de Rabelais, ce qui permet de dater sa création a minima du XVIᵉ siècle, mais le commerce de la cannelle et du poivre existant depuis des milliers d’années, rien n’empêche d’imaginer que les marchands du monde antique utilisaient s’y entendre comme truie en épices pour désigner les piètres compétences organoleptiques du gogo leur achetant un mélange pour touristes au prix du safran.
Pendant toute la haute période surannée on brocardera ainsi le gourd et la gourdasse en comparant leur entendement à celui d’une truie reniflant du ras-el-hanout.
S’y entendre comme truie en épices disparaît en 1978, lorsque déboule Gilbert Ducros qui interpelle avec faconde le téléspectateur sur le sens de son engagement au travail si ce dernier n’achète pas ses produits.
Avec son accent méridional et son « À quoi ça sert que Ducros il se décarcasse ? », le chef bedonnant de la publicité rend surannée s’y entendre comme truie en épices, puisque désormais il suffit d’utiliser des petits bocaux à bouchon rouge pour s’y connaître aussi bien que lui en colombo ou en garam masala.
Ducros avait du nez, mais il nous a tout de même un peu abimé la langue.