[tÿé ên- an a ku de fiɡ mòl] (exp. lito. PEACE)
Longueur du temps et langueur de l’âme amènent parfois à des velléités étranges pour qui veut bien les observer. En cette docte assemblée nous allons donc prendre la peine d’étudier aujourd’hui les causes d’une expression faussement cruelle mais qu’une époque qui crie si vite haro sur le baudet aura pour autant vite remisée au suranné.
Tuer un âne à coups de figues molles n’est en effet pas une incitation à meurtrir une bourrique têtue parce qu’elle aurait refusé d’avancer, lassée par l’ancestral appât de la carotte à attraper, ou parce qu’elle aurait brait de son timbre éraillé que l’on pourrait qualifier d’adolescent en mue.
Que nenni, tuer un âne à coups de figues molles n’est rien d’autre qu’une litote pour nous dire que l’attente est très longue et qu’elle est certainement celle d’un impossible. L’expression surannée aime la réthorique et l’atténuation comme une pudeur pour mieux dire ses élans, mais ça vous le saviez.
Il nous faut bien imaginer la scène : le roussin d’Arcadie (du Berry, du Poitou, de l’île de Ré ou d’ailleurs) vaque à ses paisibles occupations quotidiennes, longues oreilles dressées, là, dans son pré favori, quand une lapidaire vindicte a été décrétée. Sus à la mule pourrait scander la foule ! Mais l’exaction doit avoir lieu à grands coups de figues molles, pas de cailloux ! Il est fort à parier que le plus marri du tableau sera celui qui lui jettera la première figue, se retrouvant sans doute le plus idiot des deux.
Tuer un âne à coups de figues molles c’est tellement donner de temps au temps que même lui pourrait trouver qu’il ne passe pas assez vite; même si chi va piano va sano, il ne faut pas exagéro. La jouer troppo lentissimo ne pardonne pas dans une modernité speed, sous amphétamine, piqouzée à l’instantanéité, qui a perdu la patience depuis qu’elle peut devenir chanteuse en trois coups de cuiller à pot et une émission qui a l’indécence de lui faire croire qu’elle est réalité parce qu’elle est dans la télé.
N’y voyez pour autant aucune onolâtrie. Plus d’un âne mal bâté m’a jeté au bas de mon équipage que je pensais si noble comme je paradais au Luco, et j’ai un très vieux contentieux avec l’animal. J’aurais pu dans la poussière de mon honneur cavalier ainsi bafoué appeler à rosser la monture. Mais c’était il y a si longtemps. Et puis je l’aimais bien ce placide bourricot qui me laissait penser que je le dirigeais (alors qu’il suivait le même sentier depuis dix ans, comme le font ses congénères dans la Bocca di Verghju ou di Santu Stasgiu).
Jamais je n’aurais pu occire un baudet ! Mais tuer un âne à coups de figues molles, ça je sais faire. Je suis aussi têtu que lui.
🎶 Señorita dépêche-toi
Je suis un peu plus vieux que toi
🎶 Je ne vais plus au cinéma
On a fermé l’Alhambra 🎶