[vadlaɡël] (n. inv. MIAM.)
Ne serais-je qu’un butor pour me délecter de ces mots surannés directs et taillés à la hache ?Parfois, je m’interroge, et puis comme je vous vois vous vautrer avec moi dans cette fange, je me console en me disant que je ne suis pas seul et que la boue c’est aussi bon pour la peau.
Vous l’avez deviné, le mot qui suit ne va pas faire dans la dentelle.
Quand j’étais enfant, la simple utilisation du mot gueule me valait réprimande et punition dans la foulée (en dehors d’un vague exposé de CM2 sur l’anatomie canine, me dois-je de préciser pour être complet et honnête). La gueule était grossière surtout quand il était question d’une injonction à la fermer, et pas de ça chez nous monsieur.
Vous imaginez aisément ma délectation quand le grand-paternel au langage désuet plaçait son va-de-la-gueule pour me complimenter comme je redemandais du gratin dauphinois pour la quatrième fois. Avoir un bon coup de fourchette était une qualité dans les années surannées et l’on félicitait le gamin qui ne tordait pas le nez sur son assiette.
Le va-de-la-gueule est un gourmand et un glouton et, dans mon cas, un coquin qui cherche le compliment juste pour se délecter du mot honni en plus du gratiné et de la crème. Pour peu que le repas ait débuté par des œufs en couille d’âne et que je puisse placer dans la conversation un très joli Marie-salope, je suis l’enfant le plus heureux du monde.
Quand il ne bâfre pas, le va-de-la-gueule est aussi un beau parleur, un bavard, l’un de ces bonimenteurs qui vous vend pour la moitié de la moitié du prix un truc dont vous n’aviez aucun besoin et dont vous ne ferez aucun usage mais qui vous semble indispensable maintenant que vous les écoutez. « Il est sympa et attirant, mais méfiez-vous, c’est un truand » nous a chanté Dutronc, et il avait raison. Le va-de-la-gueule c’est un peu son dragueur des supermarchés.
Selon ce qu’on y fait entrer un met ou selon ce qui en sort, la bouche du va-de-la-gueule ne signifie donc pas la même chose. Le suranné aime se jouer de l’entendement. Le va-de-la-gueule qui ingurgite est sympathique, le va-de-la-gueule qui régurgite est incommode. La gourmandise et la bouffonnerie passent par le même chemin mais dans un sens inverse. Est-ce pour cela qu’il faut tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de l’ouvrir ?