[vâdre dé kòkij a sö ki revjèn dy mô sê miSèl] (loc. verb. GÉO.)
Parmi les querelles intestines dont la France a le secret grâce à des siècles d’intrigues courtisanes ergotant sur la meilleure façon de marcher (pied droit devant l’autre ou pied gauche devant l’autre par exemple), se trouve l’insoluble localisation du Mont-Saint-Michel, îlot rocheux normand sis en Bretagne ou rocher bâti d’une abbaye bretonne en Normandie.
Nous n’y répondrons pas en ces lignes puisque notre intérêt se porte sur les mots et expressions et non sur les cartographies dont nous laissons la maîtrise à d’autres ouvrages nettement plus compétents.
Outre un schisme irrémédiable, le rocher de la discorde produisit la très longue vendre des coquilles à ceux qui reviennent du Mont-Saint-Michel dont le sens consiste à moquer celui qui se prétend plus malin que des plus malins que lui.
Le dindon de la farce qui se croyait coq vend des coquilles à ceux qui reviennent du Mont-Saint-Michel. L’arroseur arrosé des frères Lumière vend des coquilles à ceux qui reviennent du Mont-Saint-Michel. En quelque sorte tel est pris qui croyait vendre des coquilles à ceux qui reviennent du Mont-Saint-Michel.
Avant de prendre l’habitude moderne d’en rapporter des boules à neige ou des tee-shirt J’❤ Mont-Saint-Michel, les pèlerins du lieu avaient comme habitude de collecter des coquillages qui deviendraient dans leur masure des objets votifs (ou des cendriers, mais ceci est une toute autre histoire) conservés telles de précieuses reliques. De petits malins du cru tentèrent alors de leur vendre les clams, coques, huîtres, palourdes et praires que l’on trouve dans la baie, imaginant se jouer de la crédulité des miquelots du IXᵉ siècle.
Ils échouèrent bien entendu dans cette hardie entreprise et, succès du culte voué à l’archange pourfendeur du dragon aidant, vendre des coquilles à ceux qui reviennent du Mont-Saint-Michel se diffusa dans le pays, diffusant au passage une image peu reluisante des mœurs commerciales locales.
Paradoxalement, c’est pourtant l’appétit aiguisé des marchands de tout et n’importe quoi qui rendit vendre des coquilles à ceux qui reviennent du Mont-Saint-Michel totalement surannée bien des siècles plus tard.
Maîtrisant le thermoformage plastique et portant le goût moderne en étendard, ils créèrent outre la boule à neige, le porte-clefs Mont-Saint-Michel, le presse-papier Mont-Saint-Michel, le porte-crayons Mont-Saint-Michel, le set de table Mont-Saint-Michel, le baromètre Mont-Saint-Michel, l’assiette décorative Mont-Saint-Michel, réalisant le rêve de leurs aînés : vendre des objets creux à ceux qui reviennent du Mont-Saint-Michel.
Vendre des coquilles à ceux qui reviennent du Mont-Saint-Michel devint ainsi à la fois réalité et expression surannée.