[i alé kòm yn kòrnèj ki aba dé nwa] (loc. verb. GAUSS.)
Certaines espèces adorent casser les noix. C’est notamment le cas de la plupart de celles qui figurent dans la classification du congrès ornithologique international sous le genre corvus qui regroupe la corneille à bec fin, la corneille à bec blanc, la corneille à tête brune, la corneille mantelée, la corneille des Célèbes, la corneille du Mexique et d’autres de leurs congénères.
Certes la corneille n’est pas la seule a posséder cette capacité unique à briser menu les noix¹, mais elle le fait avec un si grand enthousiasme et une telle débauche de moyens qu’elle est en revanche la seule a posséder son expression : y aller comme une corneille qui abat des noix.
Toujours observateurs, les créateurs du langage suranné ont remarqué cette propension de l’oiseau à se démener un peu trop, à y aller à fond pour réussir à faire tomber le fruit de sa branche de noyer en espérant que la chute fendra la coque. Ils ont alors décidé de faire porter y aller comme une corneille qui abat des noix à quiconque en fait beaucoup et même vraiment trop en quelque domaine que ce soit pour obtenir un petit quelque chose au final.
Y va donc comme une corneille qui abat des noix celui qui s’asperge de parfum de la tête aux pieds afin de séduire une dulcinée, s’accrochant à l’espoir qu’un Eau Sauvage fera tomber la belle comme la corneille s’accroche à la branche pour faire tomber la noix.
Y va encore comme une corneille qui abat des noix le discoureur qui s’enflamme à la tribune, promettant à grand renfort d’effets de manche tout ce que la foule veut entendre et dont elle verra bien, une fois qu’elle aura voté, qu’il n’est pas question de lui en octroyer la moindre miette.
Y va toujours comme une corneille qui abat des noix celui dont la devise est « Aux grands maux les grands remèdes », souvent annonciatrice d’un grand désordre bien peu réparateur.
Chacun de ces coquins s’acharnant sur la branche, la secouant à qui mieux mieux, craillant, vitupérant et agitant la tête dans tous les sens, brassant de l’air et dépensant une folle énergie pour récolter sa petite satisfaction juglandacée, s’offre en tout ridicule au ricaneur qui ne manquera pas de souligner combien il y va comme une corneille qui abat des noix.
Oui, y aller comme une corneille qui abat des noix est une expression de ricaneur, de moqueur, de caustique, de gausseur.
En 1963, sous la direction du très manipulateur Alfred Hitchcock, des centaines de corneilles tentent de picorer à mort la blonde Tippi Hedren dans Les Oiseaux. La belle y gagne ses lettres de noblesse, la corneille y perd les siennes. La langue pourrait-elle sérieusement mettre à l’honneur un piaf qui s’en prend à Tippi Hedren ?
L’insolente y aller comme une corneille qui abat des noix disparaît alors en surannéité, entraînant avec elle les brocardeurs, les boulevardiers, les persifleurs et sarcastiques qui raillaient les puissants surjouant. Ces derniers s’en félicitent encore.