[i fèr otâ kaplé ê Sjê Zak] (loc. verb. TOUTOU.)
L‘inanité d’un acte se jauge. Le rien, le vain, l’inconséquent ont pour ce faire deux étalons : l’urine et l’ordre des canidés. Et ce, sans que l’un ait le moindre rapport avec l’autre (bien que l’on connaisse la propension canine à badigeonner de sécrétions angles de murs, poteaux, arbres et d’une manière générale tout sémaphore utile capable de baliser un territoire).
Pour faire usage de la première de ces échelles de mesure, c’est l’expression pisser dans un violon qui s’avérera nécessaire. Mais, malgré l’outrage, sachez que déverser son trop-plein de liquide biologique sur l’instrument à cordes n’est pas la valeur la plus haute du rien-à-foutrisme.
Il existe au temps du suranné une formule bien plus paroxysmique pour rendre compte de la profonde inutilité d’une parole ou d’un acte : y faire autant qu’appeler un chien Jacques.
Construite sur l’incongruité d’une proposition consistant à affubler d’un prénom éminemment respectable le moindre corniaud oscillant entre Médor, Kiki, Rex ou Sultan, y faire autant qu’appeler un chien Jacques sous-entend un néant cabotin en réponse à un ordre, un conseil ou une imprécation.
Le mâtin bien dressé reconnaît en effet cette caractéristique de domesticité dont sont dotés les êtres ou objets symboliques recensés dès leur naissance : le prénom. Et tout au long de sa vie le cabot accourra à l’appel du sien, comme l’humain se retournera quand on le hélera Jacques, comme la grosse Bertha tonnera quand on lui ordonnera, et comme Titine démarrera quand on l’aura suppliée de le faire.
C’est dire si y faire autant qu’appeler son chien Jacques est la marque d’un espoir futile.
Si tout autre prénom humain commun eût fait l’affaire pour porter le sens de la formule (y faire autant qu’appeler son chien Cunégonde aurait pu s’avérer particulièrement hilarant, y faire autant qu’appeler son chien Olivier aurait frôlé la perfection), le choix de Jacques repose peut-être sur le mépris qu’il charrie depuis la première jacquerie de 1358 et le peu de cas fait du monde paysan. Mais ce sont là conjectures sans certitudes en lesquelles une encyclopédie sérieuse ne saurait s’égarer.
Nul ne sait quand et où exactement apparut le premier bichon maltais du nom de Charles-Henri, rapidement rejoint par son compère pékinois Rodrigues IV afin de procéder au réglementaire reniflement anal malgré la noblesse de leur lignée (mais ceci est une autre histoire).
Toujours est-il qu’au mépris de la règle établie en 1926 par la Société Centrale Canine qui veut que tous les chiens portent un nom dont la première lettre est celle de l’année en cours¹, qui permettait donc à y faire autant qu’appeler son chien Jacques d’être utilisée quotidiennement, d’inconscients pépères à leur chien-chien et de terribles mémères à leur chow-chow la vouèrent au suranné.
Jacques est désormais un Cavalier King Charles avec pedigree et y faire autant qu’appeler son chien Jacques a perdu toute raison d’être.