[jakti saks] (n. pr. MUS.)
Gags potaches, tartes à la crème et filles en maillots de bain : c’est la recette d’un succès à la télévision d’alors (FR3, circa 1980).
Cependant, pour acquérir le tout petit supplément d’âme qui permettra d’entrer au panthéon des téléspectacles, il faut un truc, un tout petit rien, comme par exemple se poursuivre en file indienne au son du saxophone d’Homer Louis « Boots » Randolph III.
C’est grâce au Benny Hill Show diffusé chaque dimanche à vingt heures que le Yakety Sax va devenir l’emblème suranné de l’excitation paroxysmique créée par l’accumulation de mille situations d’un burlesque facilement accessible (et ça tombe bien puisque le dimanche soir s’installe le blues de la semaine qui redémarre et que lundi il y a interro en histoire-géo).
Novelty song¹ pour saxophone et orchestre composé en 1963, Yakety Sax est le thème quasi pavlovien de la queue-leu-leu en sprint à des fins de lynchage bon enfant. Son rythme endiablé appelle à la sarabande (dans sa version vive et lascive du XVIᵉ siècle et non dans ses trois temps de forme binaire du XVIIᵉ), la poursuite devant a priori se terminer par la rossée du premier de cordée.
Alfred Hawthorn Hill, dit Benny Hill, était un spécialiste de l’esquive et échappait heureusement à la peignée aux alentours de vingt heures trente, pour le plus grand bonheur du jeune téléspectateur (assuré de recroiser le dimanche suivant des Anglaises en short ou bikini, version nettement appauvrie des meilleures pages de Lui, le magazine de l’homme moderne, mais ceci est une autre histoire), qui tentait alors d’imiter son héros en courant frénétiquement dans le salon tout en taâââârlatatant le Yakety Sax pour échapper au cinéma des draps blancs².
Un rituel qui se répéta de 1980 au 10 septembre 2000, date d’entrée dans l’ère moderne la plus communément admise.
France 3 avait fait disparaître FR3 « la télé pour de vrai » depuis huit ans déjà quand elle décida, après vingt ans de bonnes et loyales cavalcades, de ranger Benny Hill et son Yakety Sax sur les étagères poussiéreuses de ses archives du troisième sous-sol.
Quand ça pourchasse, le contemporain veut désormais de la cascade, de l’explosion, du sang et des boyaux, pas de la chenille de fin de noces au cours de laquelle l’invité vicelard tente de peloter l’affriolante cousine de la mariée.
La partition de Yakety Sax devenue surannée, les dimanches soirs s’imposèrent comme des moments moroses, sans ressort, de ces instants d’une langueur monotone où, tout suffocant et blême quand sonne l’heure, on se souvient des jours anciens, du Yakety Sax, et on pleure³.
Taâââârlatatatatata tatatatatata tatatatatatatata ta ta ta ta ta tataaaaaa !
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